FRANCE

Le Parlement européen demande à Paris de suspendre les expulsions de Roms

Le Parlement européen a adopté par 337 voix contre 245 une résolution demandant aux États européens, et notamment à la France - seul pays nommément cité - de "suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms".

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Le Parlement européen a adopté, ce jeudi, une résolution contre la politique menée par la France à l’égard des Roms. Le texte demande à Paris de "suspendre immédiatement" leur expulsion.

En réaction, le ministre de l'Immigration, Éric Besson, a déclaré qu'il "n'était pas question" que la France cesse de reconduire les Roms à la frontière.

Ce vote intervient alors que le gouvernement français tente une difficile opération séduction en Roumanie. Le ministre de l’Immigration, Éric Besson, et le ministre des Affaires européennes, Pierre Lellouche, étaient à Bucarest, ce jeudi, pour discuter de la politique française à l’égard des Roms dans un climat tendu. "S'ils viennent pour donner des leçons, cela ne résoudra rien", a ainsi assuré le chef de l’État roumain, Traian Bacescu, mercredi soir, au micro de RFI.

En Roumanie, Éric Besson et le ministre roumain des Affaires étrangères, Teodor Baconschi, ont semblé vouloir désamorcer les tensions devant la presse. "Ceux qui s’attendaient à un match France-Roumanie seront déçus", a déclaré le ministre français de l’Immigration, pendant que Teodor Baconschi évoquait "la fin des polémiques stériles."

Les ministres français devaient également être reçus par le Premier ministre Emil Boc, qui devait leur présenter les grandes lignes d’un plan pour une intégration rapide des Roms fraîchement arrivés de France. Éric Besson et Pierre Lellouche étaient ensuite attendus au ministère roumain de l’Intérieur, où ils entendaient plaider pour une intensification de la coopération policière entre les deux pays.

Au cœur des discussions : les rapatriements de Roms par Paris vers la Bulgarie et la Roumanie. Depuis le début de l’été, plusieurs centaines de membres de cette communauté ont ainsi été expulsés vers leurs pays d’origine. La France estime que les gouvernements bulgare et roumain ne "remplissent pas leurs obligations" pour l’intégration sociale et économique de leurs ressortissants. En ce sens, Pierre Lellouche a appelé la Roumanie à mettre en place un "plan national d’urgence" pour l’intégration des Roms. Bucarest juge, de son côté, que seule une réflexion européenne sur cette question peut être efficace.

"Derrière les déclarations et les accusations réciproques, il est finalement question d’argent, explique Mirel Bran, correspondant de France 24 à Bucarest. La France aimerait que la Roumanie participe au financement du programme destiné à aider les Roms rapatriés à se fixer dans le pays, ce que refuse Bucarest." Le programme, qui prévoit une subvention pouvant aller jusqu’à 3 600 euros pour aider à la création d’entreprises, a, du coup, été suspendu par Paris.

"Une question européenne", pour la Roumanie

Plus tôt dans la journée, le ministre roumain des Affaires étrangères a plaidé pour une approche européenne des problèmes rencontrés par les pays accueillant des communautés roms. "La discussion dépasse le cadre strictement bilatéral, a-t-il expliqué juste avant l’arrivée d’Éric Besson et de Pierre Lellouche. Disons-le sans ambiguïtés : à quelques exceptions près, les communautés roms rencontrent, dans toute l'Europe, les mêmes difficultés subjectives et objectives." Entre 10 millions et 12 millions de Roms vivent en Europe. La Roumanie, avec environ 530 000 Roms établis sur son territoire, accueille la plus grande communauté.

"Seule une stratégie européenne permettra de répondre durablement aux problèmes et aux attentes légitimes de cette vaste communauté, a insisté le ministre. Ni une politique sécuritaire, ni un assistanat paternaliste ne constituent une réponse durable", a-t-il en outre déclaré, faisant référence aux 300 euros versés par Paris aux Roms rapatriés pour faciliter leur réinstallation.

Depuis la fin de juillet, la France a considérablement durci sa politique à l’égard des Roms, évacuant des dizaines de camps illégaux et renvoyant en Roumanie près de 500 membres de cette communauté. Depuis le début de l’année, près de 8 300 Roms ont été reconduits à la frontière. Une politique musclée qui a valu au gouvernement français une pluie de condamnations internationales.

La résolution votée par le Parlement européen, par 337 voix contre 245, exige de Paris une "suspension immédiate" des expulsions de Roms. Le texte était proposé par quatre des principales formations politiques du Parlement européen, dont les socialistes, les libéraux, les Verts et les communistes.

"Cette résolution met la Commission européenne sous pression pour condamner la politique française à l’égard des Roms, explique Caroline de Camaret, spécialiste des questions européennes à France 24. Elle doit bientôt rendre un rapport sur la question de la conformité de cette politique avec les traités européens."

En Roumanie, la communauté rom a violemment réagi aux expulsions. "Ses représentants ont comparé le président Nicolas Sarkozy au maréchal Ion Antonescu, rapporte Mirel Bran. Ce personnage s’était allié avec l’Allemagne nazie et avait déporté des milliers de Roms."

 

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