Guillaume Soro, l'homme-clé de l'après-Gbagbo ?
Le rôle-clé que Guillaume Soro a tenu dans l’accession effective au pouvoir d’Alassane Ouattara cimente un peu plus encore son statut de "figure politique majeure" de la Côte d’Ivoire. Une ascension entamée depuis une dizaine d'années.
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La victoire électorale d’Alassane Ouattara, le 28 novembre 2010, aura mis quatre mois à se matérialiser. Porté à la présidence lundi après l’arrestation de Laurent Gbagbo, Ouattara sait qu’il doit en grande partie son accession au pouvoir à l’action de Guillaume Soro, l’ancien secrétaire général des Forces nouvelles, porte-étendard politique et militaire de la rébellion du Nord et Premier ministre du "gouvernement de réconciliation nationale" de Gbagbo entre mars 2007 et décembre 2010.
Là où la voie diplomatique prônée par Ouattara et la communauté internationale a échoué, Soro, reconduit à son poste de chef du gouvernement par Ouattara, a su forcer l’application du résultat du scrutin présidentiel de la fin 2010, comme l’explique sur l’antenne de FRANCE 24 Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique : "Ce sont ses anciens rebelles, mis en ordre de marche, qui sont descendus sur Abidjan et qui installent maintenant Alassane Ouattara au pouvoir."
Pour Ouattara, les prochaines semaines seront décisives. Gbagbo écarté, le président élu devra désormais composer avec son Premier ministre, qui apparaît comme l’"autre" grand vainqueur politique des développements de ces dernières heures. "Il ne faut pas qu’Alassane Ouattara soit otage de Guillaume Soro, prévient Antoine Glaser. Soro a eu du flair, et c’est aussi un homme de pouvoir."
Fin manœuvrier
Depuis 2002, Guillaume Soro s’est illustré à travers plusieurs choix politiques qui ont affirmé sa stature de personnalité politique majeure du paysage ivoirien. "Guillaume Soro sort de la cuisse de Gbagbo. [Jusqu’en 1998], il a été le secrétaire générale de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), au même titre que [son successeur] Charles Blé Goudé, avant de faire éclater la rébellion de 2002", développe Soro Solo, journaliste à France Inter, à l’antenne de FRANCE 24.
Cinq ans plus tard, au lendemain des accords de paix de Ouagadougou de mars 2007, Soro, secrétaire général des Forces nouvelles (mouvement rebelle du nord du pays) prend la tête du "gouvernement de réconciliation nationale" de Laurent Gbagbo.
Il occupe ce poste jusqu’au 4 décembre 2010, date à laquelle il remet sa démission à Laurent Gbagbo et reconnaît officiellement la victoire d’Alassane Ouattara. Le président, dont l’élection a été validée par la communauté internationale, saisit l’opportunité et décide de reconduire le dissident à la tête du gouvernement.
"Ouattara avait sans doute besoin de Soro sur cette séquence, car ce dernier connaissait à la fois l’appareil d’État pour avoir été Premier ministre mais aussi les miliciens des Forces rebelles, puisqu’il a été leur chef politique et militaire, explique Philippe Perdrix, rédacteur en chef adjoint de l’hebdomadaire Jeune Afrique, à FRANCE 24. De ce point de vue, Soro était vraiment l’homme de la situation."
Ouattara, président "intérimaire" ?
La "page blanche" qui s’ouvre depuis quelques heures en Côte d’Ivoire pourrait finalement n’être qu’un prélude à l’ascension de Guillaume Soro, seul véritable nouveau visage du paysage politique ivoirien sur ces 30 dernières années. C’est, en tout cas, une donnée avec laquelle Alassane Ouattara doit compter. Pour Antoine Glaser, le scénario le plus probable verrait le président élu "ne faire qu’un seul mandat, compte tenu de son âge (69 ans, NDLR) et de la tâche [de réconciliation de la population] relativement épuisante qui l’attend."
La position clé que Soro a occupée ces dernières semaines constitue un tremplin idéal. Pour la majorité des observateurs, il aurait tout à gagner à ne pas s’impliquer directement dans le processus de réconciliation. Certains, comme Philippe Perdrix, se demandent même ouvertement si "Soro est aujourd’hui le Premier ministre qu’il faut pour la réconciliation".
Interrogé par FRANCE 24, le journaliste et écrivain ivoirien Venance Konan estime quant à lui que Soro doit avoir "la patience d’attendre cinq ans" : "Il est encore jeune [38 ans, NDLR]… Il ferait mieux d’attendre tranquillement, de se faire élire député, puis dans cinq ans…"
Ce scénario, qui verrait Ouattara s’exposer en première ligne sur le dossier sensible de la réconciliation, pourrait paver la voie à l’actuel Premier ministre pour la présidentielle de 2015. Un cas de figure dont il maîtrise la mécanique, conclut Antoine Glaser : "Soro va être dans la roue d’Alassane Ouattara, tout comme il a été dans la roue de Laurent Gbagbo pour le doubler en haut de la côte."
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