Vif débat à l'Assemblée après une proposition de loi sur la prostitution
Mercredi, plusieurs députés ont proposé de sanctionner les clients des prostituées - comme en Suède. Si les associations saluent cette idée, la police s'inquiète d'éventuelles répercussions d'une telle mesure sur les enquêtes en cours.
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AFP - Très bonne mesure pour des associations, dangereuse ou sans effet pour d'autres: la proposition de députés de pénaliser les clients des prostituées divise, des policiers s'interrogeant même sur les conséquences pour leurs enquêtes en matière de proxénétisme.
"On parle pour la première fois des clients ce qui est une très bonne chose, et cette proposition est naturellement une avancée", juge Hélène de Rugy, déléguée générale de l'association d'aide et de réinsertion des victimes de la prostitution l'Amicale du Nid.
"Cela devrait contribuer à changer les mentalités. C'est vraiment un changement de normes sociales, le regard sur le client va changer", espère-t-elle.
Un homme sur huit a déjà eu recours à une prestation sexuelle tarifée, selon une enquête de cette association et entre 18.000 et 20.000 personnes se prostituent en France, dont près de 80% de femmes.
Calquée sur ce qui se fait en Suède, la proposition d'une mission parlementaire visant à sanctionner les clients (six mois de prison, amende de 3.000 euros) est toutefois loin de faire l'unanimité.
Le comédien Philippe Caubère reconnaît dans Le Parisien recourir à des prostituées et qualifie d'"abject" et de "populisme, au mépris des libertés individuelles" le fait de pénaliser les clients.
L'association Act-Up redoute, elle, des "conséquences sanitaires", telles que "des contaminations" au VIH-sida. "Les prostitués devront aller exercer dans des endroits reculés, dans des conditions +insécurisantes+, ce qui les fragiliseront dans les négociations sur l'utilisation du préservatif", a expliqué à l'AFP Malika Amaouche, une responsable d'Act-Up.
Mme de Rugy reconnaît que la question d'un possible éloignement des prostituées se pose, même si "ce n'est pas ce qui s'est passé en Suède".
Les mêmes inquiétudes avaient émergé pour la loi de 2003 sur le racolage passif, visant uniquement les prostituées.
Cette législation répressive est toujours dénoncée par de nombreuses associations anti-prostitution. "On ne peut pas pénaliser le client sans abroger cette loi", pense Mme de Rugy.
Or, la mission parlementaire qui a publié son rapport mercredi a écarté cette hypothèse.
Cette loi sur le racolage passif de 2003, lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur, "est d'ailleurs un échec", tranche une source associative. "On a l'impression que c'est une loi servant à nettoyer temporairement certains quartiers, mais dans le fonds ça n'a rien changé", dit Hélène de Rugy.
En outre, le délit de racolage passif est "extrêmement difficile à prouver puisqu'il faut avoir la preuve que la prostituée a proposé ses services, ce qui implique énormément de moyens", explique une source policière selon laquelle "il n'y a eu que très peu d'affaires traitées".
D'ailleurs, en cas de pénalisation, les policiers devraient peu cibler les clients de prostituées, leur "travail (...) se concentrant avant tout sur les réseaux de proxénètes", selon une autre source policière.
Et des policiers s'interrogent sur les incidences possibles sur leurs enquêtes en matière de lutte contre le proxénétisme. "Les clients sont parfois cités comme témoins dans des affaires de proxénétisme et leurs témoignages peuvent être utiles pour nos enquêtes", détaille le responsable investigation du syndicat Alliance, Francis Loiseau. "Si jamais le client est pénalisé, il est possible qu'il ne dise plus grand chose", prévient-il.
Une source policière ne se fait en tout cas guère d'illusion sur l'impact d'une telle mesure sur les réseaux proxénètes: "Si le client est pénalisé, ces gens là vont s'adapter".
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