FRANCE

Espionnage économique : Bercy peut mieux faire

Le rapport parlementaire sur le renseignement français tire la sonnette d'alarme concernant l'espionnage économique.
Le rapport parlementaire sur le renseignement français tire la sonnette d'alarme concernant l'espionnage économique. Dylan Calves, AFP

Le rapport parlementaire sur le renseignement français, rendu public jeudi, souligne que les ministères des Finances et de l'Économie ont de gros efforts à fournir pour prendre davantage en compte le risque d’espionnage économique.

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Les spécialistes de l’espionnage économique, qu’ils soient chinois, américains ou autres, peuvent entrer à Bercy sans frapper… ou presque. C’est ce que laisse entendre le rapport parlementaire sur le renseignement français rendu public jeudi 17 décembre.

"Nous sommes effarés par l'absence de culture de sécurité dans les ministères des Finances et de l'Économie", a déclaré le député PS et président de la commission des lois de l’Assemblée nationale Jean-Jacques Urvoas en présentant les conclusions du rapport qu'il a supervisé.

Pour lui, les problématiques d’intelligence économique "sont trop peu prises en compte" par les services de l’État. Une évaluation presque gentille avec les pouvoirs publics concernés tant les faiblesses relevées par le rapport semblent nombreuses. Selon les auteurs de ce document, les "règles les plus élémentaires de sécurité sont considérées comme superflues et handicapantes, sources de coûts supplémentaires et de perte de temps", énumère Jean-Jacques Urvoas.

Face au risque de se voir subtiliser des informations sensibles, les services auraient un niveau de collaboration insuffisant. "Il existe une grande inégalité d’accès au renseignement", regrettent les auteurs rapport parlementaire. Les ministères reçoivent peut-être des notes intéressantes, mais elles circulent peu ou mal au sein des services concernés.

"Ce rapport donne l’impression d’une administration coupée des réalités", souligne Alain Charret, auteur de "La guerre secrète des écoutes" et ancien du monde du renseignement militaire. La réalité du renseignement économique, comme le souligne le rapport, ce sont des "vols d'ordinateur, des attaques informatiques, des raids capitalistiques lors d'une opération de financement [pour obtenir des informations économiques sensibles, NDLR]".

"Nos principaux partenaires sont aussi nos principaux prédateurs"

Ce décalage entre multiplication des menaces et prise de conscience par les ministères concernés n'étonne pas Alain Charret. "Cela n’a pas beaucoup évolué depuis l’époque où je travaillais, il n’y a pas de culture du renseignement en France", résume ce retraité de l’armée de l’air.

Un constat qui peut étonner. Après tout, la France est régulièrement désignée comme un maître dans l’art de l’espionnage industriel. Le rapport parlementaire flatte les agents des services secrets qui "font un travail remarquable". Le dirigeant allemand d’une société de construction de satellites qualifiait même l’Hexagone d’"empire du mal du vol de secrets économiques", d’après des câbles diplomatiques américains publiés en janvier 2014 par le site WikiLeaks.

Cette contradiction n’en serait pas une, d’après Alain Charret. "La France dispose d’agents du renseignement qui savent très bien récupérer les informations, le problème est de les utiliser à bon escient", regrette-t-il. C’est sur ce point précis que la France serait, d’ailleurs, à la traîne par rapport à d’autres pays. "Nos principaux partenaires sont aussi nos principaux prédateurs", affirme à ce propos Jean-Jacques Urvoas. Les États-Unis avaient d’ailleurs été soupçonnés d’être derrière le piratage de Bercy en 2011.

"Les pays anglo-saxons prennent les questions d’espionnage industriel beaucoup plus au sérieux et ils font mieux circuler les informations", affirme Alain Charret. D’où l’idée du rapport de renforcer la communication et la collaboration entre les ministères et les services de renseignement. Dans leurs recommandations, les auteurs préconisent la création d’une instance de "coordination au sein des ministères financiers". Ils proposent également la désignation de référents pour chaque service spécialisé de renseignement "afin d’offrir un interlocuteur unique et permanent aux administrations". Des mesures approuvées par Alain Charret qui note, cependant, que "le fait que cela ne soit pas encore le cas en dit long".

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