Cybersécurité: enfin une prise de conscience des risques
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Paris (AFP) –
Paradoxalement, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) trouve un motif de se réjouir des attaques informatiques qui se sont multipliées ces derniers mois: elles ont permis une prise de conscience des enjeux de la cybersécurité.
"Si l'on cherche un slogan, 2016, c'est l'année de la prise de conscience par l'ensemble de nos publics des questions de cybersécurité", a expliqué Guillaume Poupard, le directeur général de l'Anssi, qui présentait mardi, devant la presse, le rapport annuel de ses services.
"Les attaques se sont multipliées, (...) en France et à l'étranger, leur médiatisation aussi, leurs impacts également. Tout cela, évidemment, ouvre les yeux", a-t-il relevé.
"2016, c'est vraiment le tournant entre une période où il y avait encore un doute sur la menace, et une période où la question n'est plus de savoir s'il y a un risque, mais comment on fait pour se prémunir contre ce risque", a-t-il souligné.
Cette prise de conscience a été "forcée pour certains", a rappelé le patron de l'Anssi, puisque la loi de programmation militaire exige des opérateurs d'importance vitale (OIV, indispensables au bon fonctionnement du pays) qu'ils musclent leur cyberdéfense. "Avec comme logique que leur sécurité, ce n'est pas leur problème à eux, c'est le problème de la nation."
"Déstabilisation, sabotage de systèmes d'information, espionnage informatique, fraude, neutralisation et hacktivisme (piratage militant, NDLR), les attaquants ont été plus que jamais actifs au cours de l'année 2016", résument ses services leur rapport.
Et de citer des attaques contre des objets connectés, l'"hacktivisme" en soutien à l'Etat islamique, des attaques coordonnées visant à déstabiliser la campagne électorale américaine, et des attaques perturbant la diffusion d'une conférence sur la répression des manifestations du "Printemps de Pékin" (en 1989).
- 2017, un bon cru -
Le rapport cite également des attaques de faible intensité contre des cibles institutionnelles françaises et belges issues de la mouvance Anonymous en lien avec les manifestations contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), le vol de données massif de Yahoo!, ou encore le cyberespionnage ciblant le secteur industriel.
Evoquant l'année en cours, Guillaume Poupard estime déjà que "2017 s'annonce comme un bon cru" en matière de cybercriminalité.
"Il y aura toujours des attaques", a-t-il prévenu. Mais "le champ des attaques va certainement se déplacer", selon lui: si "les réseaux les plus classiques vont être de mieux en mieux protégés", sa "crainte" est que les cybercriminels "partent plutôt sur des attaques à des fins de sabotage de systèmes industriels, de systèmes d'importance vitale, de transport, énergétiques, etc., soit à des fins de conflits entre Etats, soit à des fins de terrorisme".
L'idée est donc d'anticiper, de préparer la défense, afin de limiter les dégâts.
Agence gouvernementale chargée de coordonner la cyberdéfense de la France, garante de la sécurité des communications du gouvernement et interlocutrice des opérateurs d'importance vitale, l'Anssi a reçu 3.235 signalements d'événements de sécurité numérique l'an dernier, et elle est intervenue dans vingt opérations importantes.
L'Anssi, qui joue volontiers le rôle de "pompier cyber", n'est cependant pas intervenue à chaque grande attaque. Elle ne l'a notamment pas fait auprès des quatre "grandes victimes" qu'a récemment fait WannaCry en France (parmi lesquelles Renault).
Ses moyens étant limitée, l'Agence s'emploie à certifier tout un écosystème de prestataires pour auditer les systèmes sensibles, détecter les incidents, réagir, etc. Elle songe même à faire payer ses services, selon Guillaume Poupard, pour qui "l'idée est de rester sur les cas les plus graves, les plus atypiques", et bien sûr sur la protection des services de l'Etat.
Rattachée au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) qui dépend du Premier ministre, l'Anssi emploie 500 personnes, dont 69% ont moins de 40 ans.
© 2017 AFP