Jessica Colotl, symbole des expulsables sous Trump
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Washington (AFP) –
Un moral qui oscille avec des hauts et des bas, une angoisse permanente, mais aussi l'envie de se battre jusqu'au bout: voilà ce que ressent Jessica Colotl face à la menace d'être expulsée des Etats-Unis.
Il y a sept ans, cette jeune femme mexicaine a incarné contre son gré un débat national sur le sort des immigrés clandestins animés par le "rêve américain".
Elle avait été arrêtée pour un délit mineur. Après 37 jours de détention et une mobilisation en sa faveur des campus universitaires, l'étudiante prometteuse avait réussi à rester dans son Etat de Géorgie.
Elle est devenue le visage de ces migrants intégrés, arrivés tout jeunes aux Etats-Unis, où ils ont grandi. Ils ont souvent passé la majorité de leur vie en Amérique.
Pour eux, l'ancien président démocrate Barack Obama a mis en place un programme nommé "Daca", leur permettant d'obtenir des permis de séjour et de travail. Ils ont été 750.000 à en bénéficier.
Jessica Colotl a décroché un diplôme, puis un travail d'assistante dans un cabinet juridique. Elle s'est affirmée comme une tête d'affiche de cette foule d'anonymes autobaptisés "Dreamers" ("rêveurs").
Et puis... Patatras ! Avec un nouveau président à la Maison Blanche, Jessica a appris début mai la brutale révocation de son statut Daca.
A 28 ans, la voilà à nouveau en danger d'être renvoyée dans un pays où elle n'a vécu qu'enfant.
"Émotionnellement, c'est comme des montagnes russes, entre frustration, angoisse, anxiété, peur et grosse confusion, car le président Trump avait dit que les Dreamers pourraient respirer tranquillement", confie la femme aux cheveux de jais.
Elle retrace au téléphone son long combat, aujourd'hui complètement relancé, pour vivre en paix dans sa banlieue d'Atlanta. La ville de Coca-Cola et de Martin Luther King.
- 'Choc culturel' -
De sa région native de Puebla, elle conserve des souvenirs précis. "Le Mexique étant un pays très catholique, tous les événements tournaient autour de l'église. Nous célébrions la fête des enfants, qui n'existe pas aux Etats-Unis".
Elle franchit la frontière à l'âge de 11 ans, sans jamais avoir appris l'anglais.
"Quand j'ai commencé l'école, c'était vraiment difficile à cause de la barrière de la langue. Un choc culturel. Peu à peu, j'ai pris mes marques", dit-elle.
Jessica parvient à entrer à l'université de Kennesaw. Elle a toujours caressé le rêve d'un diplôme supérieur.
Mais, le 29 mars 2010, à quelques mois des examens, elle est interpellée pour avoir conduit sans permis. Elle est écrouée dans un centre de rétention pour étrangers, où le seul contact possible avec ses proches passe par un écran de télévision.
"Ce fut dévastateur car j'avais perdu l'espoir de rester et j'ai dû renoncer à mon rêve de diplôme universitaire", se rappelle-t-elle. "Les conditions de détention étaient très mauvaises. Il y avait beaucoup de personnes qui tombaient malades sans être soignées".
A l'extérieur, ses camarades de cours se mobilisent, une action qui fait tache d'huile grâce aux fraternités étudiantes. Jessica Colotl devient un symbole national, les médias s'emparent de son histoire.
- Clandestine et... diplômée -
Pour beaucoup d'Américains, elle n'est qu'une clandestine qui a profité indûment d'un rabais de frais de scolarité réservé aux habitants locaux. Pour de nombreux autres, elle est tout sauf une délinquante à expulser.
Une fois libérée, la jeune fille s'emploie à le prouver: elle reprend ses études en les finançant à 100%, parvient à décrocher son diplôme, intègre un cabinet d'avocats.
On la reconnaît encore dans la rue, mais elle ne se sent plus menacée. Jusqu'à ce funeste mois de mai, où les autorités coup sur coup révoquent son statut Daca et enclenchent un processus d'expulsion, lui reprochant toujours son infraction passée.
Donald Trump a dopé les budgets pour accélérer les expulsions des Hispaniques. "Personne n'est en sécurité", avertit l'ex-étudiante. "Aujourd'hui, cela m'arrive à moi, demain cela peut arriver à beaucoup d'autres".
Jessica Colotl est soutenue par la grande organisation de défense des libertés ACLU et par une solide équipe de juristes.
"Son Daca a été révoqué par un procureur trop zélé de (l'agence fédérale de l'immigration) ICE qui a induit en erreur l'administration en lui faisant croire que Jessica avait une condamnation pénale. Ce n'est pas le cas", affirme à l'AFP son avocat, Charles Kuck.
Une audience au tribunal est fixée à jeudi. "Je n'ai qu'une option: lutter jusqu'au bout", dit la Mexicaine.
© 2017 AFP