Turquie: Mathias Depardon, toujours détenu, autorisé à voir sa mère

Gaziantep (Turquie) (AFP) –

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Le photojournaliste français Mathias Depardon a reçu pour la première fois jeudi une visite de sa mère en Turquie où il est détenu depuis un mois, malgré les appels répétés de Paris à le remettre en liberté.

"Je suis soulagée de l'avoir vu, c'est un sacré cadeau", a dit Danièle Van de Lanotte à l'AFP à la sortie du centre de rétention de Gaziantep (sud-est) où se trouve Mathias Depardon. "Il avait assez bonne mine", a-t-elle poursuivi, confiant que leur rencontre avait été "très forte émotionnellement".

"On lui a donné beaucoup de livres, des vêtements, des journaux", a énuméré Mme Van de Lanotte, accompagnée à Gaziantep du consul-adjoint français à Ankara Christophe Hemmings et du secrétaire général de l'ONG Reporters sans frontières (RSF) Christophe Deloire.

La détention administrative de ce photojournaliste arrêté le 8 mai par la police turque qui lui reproche d'avoir travaillé sans carte de presse et le soupçonne de "propagande terroriste" suscite l'inquiétude des défenseurs de la liberté de la presse.

Le président français Emmanuel Macron a demandé le 3 juin à son homologue turc Recep Tayyip Erdogan le retour en France "le plus vite possible" de Mathias Depardon.

Mme Van de Lanotte a souligné que le directeur du centre de rétention lui avait promis que son fils serait autorisé à avoir plus de contacts avec ses codétenus anglophones.

"Je veux juste qu'il (...) puisse communiquer, parler. Il a besoin de parler avec les autres", a déclaré la mère du photojournaliste.

- "Journaliste, pas terroriste" -

Installé en Turquie depuis cinq ans, Mathias Depardon, un journaliste indépendant qui vient d'avoir 37 ans, a été arrêté à Hasankeyf (sud-est), où il réalisait un reportage pour le magazine National Geographic.

Il a ensuite été transféré à Gaziantep, où il est retenu depuis, malgré une décision d'expulsion émise le 11 mai.

Les autorités turques le soupçonnent d'avoir fait de la "propagande terroriste" pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux des photos prises au cours d'un reportage sur le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatistes kurdes).

"Maintenant, il faut que Mathias Depardon soit relâché", a déclaré à l'AFP M. Deloire, de RSF. "Prendre des photos d'une organisation terroriste comme le PKK, ce n'est pas être soi-même un terroriste", a-t-il souligné.

Evoquant l'expulsion dont pourrait faire l'objet Mathias Depardon, Mme Van de Lanotte regrette que son fils, qui a observé une grève de la faim du 21 au 27 mai pour protester contre sa détention, risque de quitter "comme un malpropre" la Turquie, "un pays qu'il adore".

Coïncidence dans une actualité régulièrement marquée par des procédures judiciaires à l'encontre de journalistes en Turquie, le procès du représentant de RSF dans ce pays, Erol Önderoglu, a repris jeudi à Istanbul.

Le procès d'Erol Onderoglu, qui risque jusqu'à environ 15 ans de prison pour "propagande terroriste" après avoir participé à une campagne de solidarité en faveur d'un journal kurde, a été ajourné à décembre au terme d'une audience éclair.

Mathias Depardon est le dernier d'une série de journalistes européens arrêtés ou expulsés par les autorités en Turquie, où les conditions de travail se sont dégradées au cours des derniers mois pour les professionnels des médias, en particulier depuis le putsch manqué de juillet.

Olivier Bertrand, un journaliste français, et Gabriele Del Grande, un journaliste italien, ont été arrêtés et expulsés ces derniers mois.

Un journaliste germano-turc, Deniz Yücel, est quant à lui accusé d'"espionnage" et d'activités "terroristes" et a été incarcéré.

Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a provoqué un tollé en déclarant cette semaine que des services de renseignement européens utilisaient des journalistes pour espionner la Turquie.

Ce pays occupe la 155e place sur 180 au classement 2017 de la liberté de la presse établi par RSF.