51e Midem: la bataille pour les recettes de la musique en ligne fait rage

Cannes (AFP) –

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En plein essor, le streaming ou l'écoute en ligne a fait revenir depuis deux ans l'optimisme dans l'industrie musicale, réunie jusqu'à vendredi pour le 51e Midem à Cannes, mais la bataille fait rage pour mieux partager les recettes.

Au marché international du disque, organisé cette semaine à Cannes, la plateforme de vidéos en ligne YouTube, filiale du groupe Google, a été à nouveau critiquée, taxée notamment par l'éditeur Andrew Jenkins (Universal Music Publishing) d'être "un mauvais partenaire".

"Le streaming est merveilleux car les recettes augmentent mais c'est une autre manière de distribuer la musique. Certains sites sont des partenaires responsables pour les artistes, d'autres non", a-t-il dit à la tribune des débats organisés sur les droits d'auteur. M. Jenkins a tout connu, de l'avènement du CD en 1988 à sa descente aux enfers (les ventes ont encore baissé en 2016 de 7,6%), en passant par le téléchargement, déjà dépassé (-20,5%).

L'industrie, toujours loin de son niveau de 1999, se refinance désormais par le streaming. On parle de 7,5 milliards de dollars (environ 6,7 milliards d'euros) de recettes attendues en 2020, qui font saliver des nouveaux venus comme le site Amazon.

YouTube "paie une fraction de ce que reversent des sites tels que Spotify, Apple ou Deezer en s'abritant derrière le statut d'hébergeur technique", reproche M. Jenkins.

La fédération internationale de l'industrie phonographique (Ifpi) estime qu'en 2015, YouTube se contentait de verser moins d'un dollar par utilisateur, contre 20 dollars pour Spotify.

Gratuit et financé par la publicité, YouTube se défend en affirmant avoir reversé plus d'un milliard de dollars à l'industrie musicale en 2016.

- Des robots pour faire du volume -

Autre écueil pour les ayants droit, le streaming permet d'être plus facilement découvert par le public ou de s'autoproduire, mais ce sont des millions de clics qui doivent ensuite être analysés pour savoir quelles ?uvres sont véritablement les plus écoutées et donc les plus rémunérées, et cela produit des effets pervers.

D'abord, des petits malins n'ont rien trouvé de mieux que d'utiliser des robots pour faire du streaming et faire du volume, souffle en aparté un professionnel, préférant garder l'anonymat. "C'est comme dans les années 1970-80, quand les producteurs allaient en magasins et vidaient les bacs de 45 tours dans les rayons pour faire monter en flèche artificiellement les ventes de leur poulain. On a l'équivalent maintenant avec des ordinateurs qui font du streaming pour qu'un artiste se retrouve en 48 heures avec 400.000 vues. Cela donne de la visibilité sans correspondre à un public", dit-il. D'autres interlocuteurs confirment à l'AFP cette forme de piraterie.

Ensuite, le public plus jeune a tendance à beaucoup écouter en boucle de la musique urbaine ou électronique et mécaniquement, comme l'argent est réparti en fonction de la part de marché de chaque chanson écoutée, "cela crée un biais", observe le directeur général France de Deezer, Alexis de Gemini. "Il y a des chansons qui sont par nature davantage streamées et cela pousse à ne plus produire que ces genres-là".

Pour son 10e anniversaire, le site français vient de proposer aux majors de faire évoluer la règle pour la rendre plus équitable et plus propice à une variété de genres et d'artistes.

"Il ne s'agit pas de verser plus: on verse déjà les deux tiers de nos recettes d'abonnement hors taxe. Mais on propose que la chanson ne soit plus l'étalon de la répartition des revenus, mais les artistes écoutés par chaque abonné. Ainsi, si vous n'écoutez qu'un artiste éthiopien, la partie de votre abonnement reversé aux ayants droit ira en intégralité à ce chanteur", dit-il.

Deezer, qui ne dévoile pas le nombre de ses abonnés, revendique 10 millions d'utilisateurs actifs dans le monde, loin derrière le leader mondial, le suédois Spotify qui a passé la barre des 50 millions d'abonnés en mars, ou Apple Music qui a atteint 20 millions d'abonnés en décembre.