A Moscou, Le Drian promet un nouvel "esprit de confiance" aux Russes

Moscou (AFP) –

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La France et la Russie ont amorcé mardi un net rapprochement, axé sur la lutte contre le terrorisme, lors d'une visite à Moscou du nouveau chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian qui veut travailler dans un "esprit de confiance" et sans "isoler" la Russie.

La venue de M. Le Drian intervient après une toute première rencontre fin mai à Versailles entre le président français Emmanuel Macron et son homologue russe Vladimir Poutine, très critiqué ces dernières années par la diplomatie française. Mais le nouveau chef d'Etat français a fixé un nouveau cap: la reprise du dialogue avec la puissance russe. Et une priorité absolue: la "lutte contre le terrorisme", et en premier chef l'organisation Etat islamique.

L'ancien ministre français de la Défense, désormais aux Affaires étrangères, est venu à Moscou avec cette feuille de route et avec une volonté manifeste de séduire, donnant du tutoiement et du "mon ami" à son homologue russe Sergueï Lavrov.

"Nous ne cherchons ni l'isolement de la Russie du reste de l'Europe, ni son affaiblissement économique", a affirmé M. Le Drian lors de la conférence de presse après un long entretien en tête-à-tête suivi d'une réunion élargie aux délégations.

Faisant assaut d'amabilités, il a appelé à renouer les liens entre les deux pays dont les relations ont atteint leur pire niveau après l'annexion de la Crimée par Moscou en 2014.

Avant l'arrivée au pouvoir en mai d'Emmanuel Macron, "il manquait peut-être un esprit de confiance pour se comprendre mieux", a-t-il estimé. "La confiance veut dire la franchise, et la franchise veut dire le respect", a-t-il dit. "Il faut d'abord se comprendre", a repris le ministre français, appelant à plus de "pragmatisme".

- 'Défaire Daech' -

Il a ensuite énuméré les "points communs" entre la France et la Russie, notamment en ce qui concerne la "lutte commune contre le terrorisme" et la situation en Syrie.

Les deux pays font ainsi "face à une même menace: celle du terrorisme, contre laquelle nous devons lutter et échanger nos procédures de combats", a martelé M. Le Drian.

Dans le dossier syrien, Paris et Moscou sont tous deux "déterminés à défaire Daech (le groupe Etat islamique) et al-Qaïda, à maintenir l'intégrité et l'Etat en Syrie et nous sommes opposés à l'usage d'armes chimiques", a-t-il souligné. Les deux pays prônent une solution politique au conflit syrien sur la base de la résolution 2254 votée par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Mais, signe du pragmatisme nouveau de Paris, à aucun moment le sort du président syrien Bachar al-Assad n a été évoqué. Ce point était depuis des années un sujet de discorde entre Moscou et les soutiens de l?opposition syrienne.

"Nous avons une compréhension mutuelle de la situation", a confirmé pour sa part M. Lavrov.

"Si nous sommes tous honnêtes, si nous avons tous pour but de lutter contre le terrorisme, nous avons tous les moyens pour empêcher que la situation se transforme en chaos", a-t-il affirmé, réservant une salve de critiques aux Etats-Unis.

Le ministre russe a ainsi concédé que les Américains visaient bien les positions de l'Etat islamique mais les a accusés d'épargner les combattants du Front Fateh al-Cham (connu précédemment sous le nom de Front Al-Nosra et ex-branche d'Al-Qaïda en Syrie).

- 'Paix' en Europe -

Peu de mesures concrètes ont été annoncées par les deux responsables, si ce n'est la mise en place d'un "processus consultatif permanent" entre Paris et Moscou sur des problématiques liées à la Libye et au Yémen, selon M. Lavrov.

La France et la Russie "ne souhaitent pas que le continent européen connaisse un accès d'instabilité", a affirmé pour sa part M. Le Drian, rappelant que les deux pays "partagent les mêmes responsabilités pour la paix" sur ce continent.

Concernant le conflit ukrainien, Français et Russes ne voient pas "d'alternatives" aux accords de Minsk, signés en 2015, et rappellent leur attachement au Format de Normandie, qui inclut en plus de la France et de la Russie, l'Ukraine et l'Allemagne.

S'il s'agit de la première visite en Russie du ministre français depuis qu'il a été nommé aux Affaires étrangères, M. Le Drian s'était déjà rendu à Moscou pour rencontrer, lorsqu'il était à la Défense, son homologue russe Sergueï Choïgou, qu'il a revu mardi.