Rénégocier son prêt immobilier, un "parcours du combattant"
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Paris (AFP) –
Vous voulez profiter de la baisse des taux d'intérêt pour renégocier votre prêt immobilier ? C'est "un parcours du combattant parsemé d'embûches", les banques faisant "de la résistance pour préserver leur rentabilité", dénonce l'association de protection des consommateurs UFC-Que Choisir.
"Alors que les taux d'intérêt ont entamé depuis le premier trimestre 2017 une légère remontée après le plancher enregistré en décembre 2016, les consommateurs peuvent toujours réaliser de substantielles économies en renégociant leur crédit immobilier", constate une étude de l'association parue mercredi.
A titre d'exemple, une personne ayant emprunté 210.000 euros à 3% sur 18 ans en 2014 peut économiser jusqu'à 15.600 euros en obtenant le rachat de son crédit au taux de 1,5% en 2017.
Toutefois, l'association déplore "les nombreux pièges des banques pour limiter les renégociations, aux premiers rangs desquels figurent les comportements dilatoires, la gestion calamiteuse des dossiers ainsi que l'inflation galopante des tarifs".
"Le consommateur est soumis à un parcours du combattant parsemé d'embûches à toutes les étapes, il est clair que les banques font de la résistance pour préserver leur rentabilité", a fustigé Alain Bazot, président de l'UFC-Que Choisir, lors d'une conférence téléphonique.
- Des banques qui gagnent du temps -
Depuis 2010, l'association a été saisie de 2.700 litiges en lien avec le crédit immobilier, dont près d'un tiers porte plus spécifiquement sur la question des renégociations, détaille l'étude, qui a passé au crible 493 de ces litiges provenant à la fois d'un appel à témoignage et d'un échantillon aléatoire prélevé sur les dossiers traités par les antennes locales de l'UFC-Que Choisir.
Sur ces litiges, il ressort que 83% des difficultés rencontrées par les consommateurs se concentrent durant les trois étapes de la renégociation du crédit à savoir lors de la demande de renégociation (23%), puis de la gestion du dossier (39%) et enfin lorsque sont annoncés les tarifs de la renégociation (21%).
"Bien conscients que le temps joue en leur faveur, puisque la renégociation est d'autant plus rentable (pour les clients, ndlr) qu'elle est effectuée rapidement, les établissements bancaires cherchent tout d'abord à gagner du temps", notamment en tardant à envoyer certains documents ou une réponse aux clients, pointe l'étude.
Selon l'association, parmi ces mauvaises pratiques, celle de l'envoi très tardif du décompte de remboursement anticipé, document "grâal" nécessaire pour le rachat d'un crédit par une banque concurrente, est "diffuse et généralisée".
Par "cette forme de rétention du décompte de remboursement anticipé, (les banques) jouent la captivité et l'anti-concurrence", argumente M. Bazot.
Autre motif de grief, la gestion "parfois calamiteuse" de certains dossiers par les banques, ajoute UFC-Que Choisir, affirmant que de "nombreux consommateurs doivent s'acquitter de sommes non prévues ou non expliquées" ou encore d'indemnités indues en cas de renégociation pour cause de mobilité professionnelle ou de perte d'emploi.
- Explosion des frais annexes -
L'association met par ailleurs en cause "l'inflation galopante des frais" annexes imposés aux clients par les banques, avec notamment une hausse de 18% entre 2012 et 2017 du coût des avenants.
Au total, l'indemnisation de remboursement anticipé, facturée par les banques, et les frais annexes amputent de 35% les gains potentiels de pouvoir d'achat tirés de la rénégociation, estime l'UFC.
"Ce que le consommateur pourrait gagner d'un côté - et encore ils le font de moins en moins - la banque le récupère d'une autre façon", s'insurge M.Bazot.
Ce constat "peu reluisant" a conduit l'UFC-Que Choisir à saisir les autorités de la concurrence (DGCCRF) et de régulation bancaire (ACPR) pour qu'elles "procèdent a des contrôles pour s'assurer du respect par les établissements de leurs obligations légales et contractuelles".
Le ministre de l'Economie a également été interpellé afin de "mieux encadrer" les opérations de renégociation, notamment par le plafonnement des frais d'avenant des contrats et l'harmonisation de la terminologie employée par les établissements afin que les consommateurs puissent comparer plus facilement les tarifs.
"Il est indispensable que la régulation vienne des pouvoirs publics" et il y a "urgence" à intervenir, selon le président de l'UFC-Que Choisir, afin "que la tendance du marché bénéficie enfin pleinement aux emprunteurs" et avant la remontée attendue des taux d'intérêt.
© 2017 AFP