Le resserrement franco-allemand va aider la croissance européenne (économiste)

Sintra (Portugal) (AFP) –

Publicité

La France et l'Allemagne, en resserrant leurs liens, vont aider la croissance en zone euro et ainsi faciliter la tâche de la BCE pour sortir de sa politique monétaire de soutien, estime auprès de l'AFP le professeur d'économie Philippe Aghion.

Enseignant au Collège de France à Paris et considéré comme un des parrains de la doctrine économique du président français Emmanuel Macron, M. Aghion était l'un des participants au forum annuel de la Banque centrale européenne (BCE) à Sintra, au Portugal, qui s'est achevé mercredi.

QUESTION: Le président de la BCE, Mario Draghi, a tenu mardi un discours rassurant sur l'inflation en zone euro tout en se montrant encore très prudent quant à un prochain resserrement monétaire. Partagez-vous son analyse?

REPONSE : Effectivement, il y a des prévisions de croissance positives, cela dit, on en est pas encore en zone euro à un point où le chômage est assez bas, à l'instar de ce qu'on voit aux Etats-Unis, et où la production et l?investissement sont suffisamment repartis, de manière à donner de l'aisance à la BCE en vue de décider de resserrer sa politique monétaire.

Q : L'axe franco-allemand semblant revigoré depuis l'élection d'Emmanuel Macron à l'Elysée, cela peut-il aider la relance en Europe?

R: C'est un élément objectif qui ne peut que jouer en faveur d'un rebond de la croissance en Europe. J'observe un resserrement des liens entre les deux pays, entre la compréhension côté français qu'il faut faire des réformes et, côté allemand, le besoin d'être plus proactif au plan macro-économique, les deux étant complémentaires.

Q: La France s'apprête en premier à réformer en profondeur son marché du travail. Doit-on en attendre des créations d'emplois en nombre mais peu qualifiés et mal payés, accentuant ainsi la tendance d'une amélioration de l'emploi en zone euro mais sans effet sur l'inflation?

R : Réformer le marché du travail dès maintenant, en le rendant plus fluide, suscitera de nouvelles créations d'emplois. L'effet recherché vers des emplois de qualité et mieux payés prendra plus de temps, en passant par d'autres réformes à venir sur l'éducation et la formation professionnelle. Cela aussi aura un effet sur les salaires à terme, donc jouera en faveur de la mesure de l'inflation par la BCE.

Q: Une remontée des taux serait préjudiciable à certains pays fragiles et fort endettés comme l'Italie, qu'en serait-il de la France?

R: les taux bas trop longtemps en période d'expansion ont des effets négatifs, en entraînant de mauvaises allocations d'argent. En particulier, le capital profite en trop grande proportion à des entreprises inefficaces. Cela dit, je ne crois pas que les taux vont remonter vite en zone euro, c'est à dire que l'on aura une hausse modérée et n'intervenant pas tout de suite. Il y a donc pour la France une fenêtre d'opportunité de quatre à cinq ans qui s'ouvre pour réaliser les réformes qui auront pour effet de baisser le chômage, ce qui fera aussi baisser les déficits et rendra toute hausse de taux supportable.