Tour de France: entre l'Allemagne et le vélo, une passion contrariée
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Düsseldorf (Allemagne) (AFP) –
L'Allemagne a connu pour le Tour "un amour fou, puis un désamour fou". C'est ainsi que Christian Prudhomme, le directeur de la Grande Boucle, résume l'histoire passionnelle qui unit, depuis plusieurs décennies, son épreuve au pays de Jan Ullrich et Marcel Kittel.
1987. Le grand départ est donné de Berlin, encore divisée par le Mur. L'enthousiasme populaire est là. Mais les champions allemands font défaut et, la grande kermesse repartie, le Tour n'intéresse plus que les passionnés. Les audiences télévisées sont confidentielles.
L'irruption, quelques années plus tard, d'un jeune talent né et formé de l'autre côté du Mur va tout changer. En 1997, Jan Ullrich a 23 ans lorsqu'il devient le premier vainqueur allemand du Tour. Et le seul à ce jour.
D'un coup, le public se passionne, les télévisions dépêchent en urgence leurs reporters sur le Tour et, à la rentrée suivante, les gamins se ruent vers les clubs de cyclisme. C'est l'âge d'or, qui va durer quelques années.
Jusqu'à ce que la réputation du Tour de France, et celle du cyclisme plus largement, ne soit ternie par les affaires de dopage, qui vont s'accumuler entre 1998 et la fin des années 2000. Dans un pays où l'on ne rigole pas avec la morale sportive, les sponsors se détournent.
- Renaissance du Tour d'Allemagne -
Le summum du désamour est atteint en 2007, lorsque la télévision publique, écoeurée, décide de ne plus retransmettre le Tour de France! Après un retour et un nouveau boycottage à partir de 2012, ARD, la première chaîne, ne reviendra définitivement qu'en 2015.
A la veille du grand départ samedi à Düsseldorf, la situation reste contrastée. En 2001, l'Allemagne organisait 20 courses professionnelles. Il n'en reste plus que cinq aujourd'hui, dont seulement deux estampillées WorldTour.
Les courses par étapes surtout ont été touchées: le Tour d'Allemagne, le Tour de Bavière, le Tour de Hesse, le Tour de Saxe ont purement et simplement disparu du calendrier. L'épreuve la plus prestigieuse reste la Cyclassics d'Hambourg, course d'un jour programmée en août.
Lueur d'espoir: ASO, l'organisateur du Tour de France, a repris le Tour d'Allemagne et devrait le relancer dès août 2018, sous la forme d'une épreuve de quatre étapes.
Côté coureurs, les Allemands comptent quelques-unes des stars du peloton, avec Tony Martin, quatre fois champion du monde du contre-la-montre, et les sprinteurs André Greipel, Marcel Kittel ou John Degenkolb.
- Ullrich persona non grata -
Et deux équipes à licence allemande sont engagées cette saison sur le WorldTour, la première division du cyclisme mondial.
Bora-hansgrohe (deux sociétés allemandes) sont associées pour soutenir l'équipe où brillera le quintuple maillot vert du Tour, le champion du monde slovaque Peter Sagan. Sunweb est l'autre formation à licence allemande, même si elle s'appuie sur un sponsor dont le siège est aux Pays-Bas, avec un encadrement majoritairement composé de Néerlandais.
On peut aussi leur associer l'équipe suisse Katusha-Alpecin, puisqu'Alpecin est une entreprise allemande, et que l'homme fort de l'équipe est Tony Martin.
A Düsseldorf, les organisateurs annoncent une marée humaine de spectateurs. Pas vraiment une surprise dans un pays qui a toujours offert au Tour des haies d'honneur impressionnantes. Mais dans les médias, la suspicion est de mise. La moindre affaire de dopage sera traquée, décortiquée, et la probité du cyclisme en général sera de nouveau questionnée.
Les récentes déconvenues de Jan Ullrich prouvent que les plaies restent à vif. Le héros populaire, qui avait avoué en 2013 s'être dopé durant sa carrière, a failli revenir dans le cyclisme en mai comme dirigeant d'une course. Les condamnations médiatiques l'en ont dissuadé.
Vingt ans après son triomphe sur le Tour, il n'a pas été invité par les organisateurs au Grand Départ de Düsseldorf.
© 2017 AFP