FRANCE

Lafarge mis en examen pour "complicité de crimes contre l'humanité" en Syrie

Après deux ans d'enquête, le cimentier Lafarge a été mis en examen jeudi pour "complicité de crimes contre l'humanité". Le groupe français est accusé d'avoir versé 13 millions d'euros à des groupes jihadistes en Syrie pour y maintenir son activité.

L'usine du cimentier Larfarge en Syrie, février 2018.
L'usine du cimentier Larfarge en Syrie, février 2018. Delil souleiman, AFP
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Le cimentier Lafarge, accusé d'avoir financé des groupes jihadistes en Syrie, dont le groupe État islamique (EI), pour maintenir son activité en pleine guerre, a été mis en examen jeudi 28 juin, notamment pour "complicité de crimes contre l'humanité", a-t-on appris de source judiciaire.

>> À lire : Affaire Lafarge en Syrie : que savaient l'État et les actionnaires ?

Entendu par les trois juges chargés de cette enquête hors-norme de deux ans, Lafarge SA, holding actionnaire majoritaire de la filiale syrienne Lafarge Cement Syria mise en cause, a été mise en examen également pour "financement d'une entreprise terroriste" et "mise en danger de la vie" des anciens salariés de l'usine de Jalabiya, dans le nord du pays.

Cette décision de mises en examen est "conforme" aux réquisitions du parquet de Paris, a précisé la source judiciaire. Lafarge SA est soumis à un contrôle judiciaire comprenant une caution de 30 millions d'euros.

"L’entreprise fera appel des infractions reprochées qui ne reflètent pas équitablement les responsabilités de Lafarge SA", a fait savoir le cimentier français dans un communiqué.

Après huit mises en examen ces derniers mois de cadres et dirigeants, dont l'ancien PDG de Lafarge de 2007 à 2015, Bruno Lafont pour financement d'une entreprise terroriste et/ou mise en danger de la vie d'autrui, c'était au tour de Lafarge SA de s'expliquer devant les deux juges financiers, Charlotte Bilger et Renaud Van Rymbeke, cosaisis du dossier avec le juge antiterroriste David de Pas.

Ces mises en examen sont "un coup de tonnerre dans le monde feutré et jusque-là préservé des multinationales qui opèrent en zone de conflit", estime le chroniqueur international de France 24, Bruno Daroux.   

Près de 13 millions d'euros entre 2011 et 2015

Le groupe, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim, est soupçonné d'avoir versé, via sa filiale LCS, près de 13 millions d'euros entre 2011 et 2015 pour maintenir son usine de Jalabiya alors que le pays s'enfonçait dans la guerre.

Ces sommes, qui ont bénéficié en partie à des groupes armés, dont les jihadistes  de l'EI, correspondaient au versement d'"une taxe" pour la libre circulation des salariés et des marchandises, et à des achats de matières premières, dont du pétrole, à des fournisseurs proches de l'EI, d'après l'enquête.

À ces canaux de financement, s'ajoutent désormais des soupçons sur la possible vente de ciment à l'EI, mis en lumière dans de récentes investigations, selon une source proche du dossier.

"Lafarge a sacrifié ses salariés et pactisé avec des entités terroristes en toute connaissance de cause : cette mise en examen pour complicité de crimes contre l'humanité était inéluctable", a déclaré à l'AFP Marie Dosé, avocate de l'ONG Sherpa, partie civile, qui avait déposé plainte contre le cimentier en novembre 2016 avec onze anciens salariés, en visant notamment ce chef d'accusation.

La "décision historique" prise jeudi "doit décider Lafarge à prendre ses responsabilités et à ouvrir un fonds d'indemnisation indépendant afin que les victimes voient leur préjudice rapidement réparé", a réagi Sherpa dans un communiqué.

Avec AFP

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