Coronavirus: le pari de la téléconsultation

Paris (AFP) –

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A l'orée de l'épidémie de coronavirus, le gouvernement a décidé d'ouvrir grand les vannes de la téléconsultation, emboîtant le pas des plateformes de télémédecine, même si les syndicats médicaux sont partagés sur cette stratégie.

"Un décret pour assouplir"

Olivier Véran a annoncé dimanche qu'il signerait "dès demain (lundi, ndlr) un décret pour assouplir considérablement les conditions de réalisation de la télémédecine", afin de "simplifier l'accès des patients à un médecin en téléconsultation".

Le ministre de la Santé a notamment "décidé de lever l'obligation de passer par son médecin traitant et d'avoir eu une consultation présentielle les 12 mois avant la réalisation d'une consultation à distance".

Depuis qu'elle est remboursée par la Sécu (septembre 2018), la téléconsultation doit en effet être prescrite et réalisée par des praticiens déjà connus du patient, dans le cadre du "parcours de soins coordonnés".

Mais de nombreuses exceptions sont prévues, pour les enfants de moins de 16 ans, les spécialistes en "accès direct" (gynécos, ophtalmos, pédiatres...) et les personnes qui "ne disposent pas de médecin traitant désigné".

Cette dérogation s'applique également à tous ceux "dont le médecin traitant n'est pas disponible dans le délai compatible avec leur état de santé".

Une formulation assez vague pour que n'importe quel assuré puisse en théorie "avoir accès à une téléconsultation quand il en aura besoin" comme l'a souhaité M. Véran.

Les plateformes à l'affût

Plusieurs plateformes de télémédecine ont devancé l'annonce du ministre et proposé la semaine dernière un accès gratuit pour les médecins à leurs services de téléconsultation.

L'incontournable Doctolib a ainsi offert dès jeudi "à tous les médecins de France d'utiliser la consultation vidéo gratuitement", à commencer par ses 3.500 abonnés, qui devaient jusque-là débourser 79 euros par mois.

Pour les autres praticiens, l'entreprise s'est en outre engagée à financer "intégralement les coûts d'équipement (et) de formation".

Le même jour, son concurrent CompuGroup Medical, éditeur allemand de logiciels médicaux, faisait savoir que sa "solution de téléconsultation" était "mise à disposition gratuite" pour "tous les médecins, en France comme en Europe" pendant "toute la durée de l'épidémie".

Vendredi, la société Consulib communiquait à son tour sur "la gratuité de son service (...) en lieu et place de la redevance de 1 euro habituellement prélevée par consultation".

La facture finale (25 euros pour un généraliste) restant à la charge de la Sécu et des complémentaires santé, la crise sanitaire est aussi une aubaine pour ceux qui attendent depuis 18 mois l'essor de la télémédecine en France.

Jusqu'à présent, le décollage a été poussif: l'Assurance maladie totalisait 138.000 actes remboursés entre septembre 2018 et fin 2019, dont 30.000 pour le seul mois de décembre.

Les syndicats médicaux divisés

Bien qu'il favorise les plateformes, le recours à la téléconsultation a d'abord été réclamé par des médecins libéraux.

Fin février, le syndicat de spécialistes Avenir Spé demandait ainsi son "déploiement massif", afin "d'éviter l'engorgement des urgences et des appels au Samu" et de "limiter la propagation" du coronavirus.

Vendredi, leurs confrères des Spécialistes-CSMF jugeaient "impératif que le suivi des patients puisse être réalisé", entre autres, "par des téléconsultations".

Lundi, les généralistes de la FMF étaient à leur tour incités à "se mettre à la téléconsultation pour de nombreuses situations", comme les renouvellements d'ordonnances "chez des patients qui vont bien" ou les arrêts de travail "y compris pour des patients suspects de Covid-19 et qui sont peu symptomatiques".

Mais dans le même temps, MG France a mis en garde: la téléconsultation "n'est pas une solution miracle" et elle "augmente le risque dans la prise de décision".

Face à un coronavirus particulièrement létal pour les personnes âgées et les malades chroniques, "la connaissance préalable de ces patients par leurs médecins traitants est un atout majeur pour leur santé", a souligné le premier syndicat de généralistes, appelant le gouvernement à ne pas "balayer les garde-fous difficilement mis en place".