Des psychologues à l'écoute des angoisses du confinement

Rennes (AFP) –

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Rester chez soi, vivre en confinement peut être pour certains à l'origine d'anxiété, d'insomnies, de dépression. A Rennes, mais ailleurs aussi, des psychologues les écoutent sur une ligne téléphonique dédiée.

"Qu'est-ce qui vous fait peur exactement ? Est-ce qu'il y a des choses que vous aimez faire seul ? Cette date du 11 mai, elle vous a rassuré quelque part ?" Il est à peine 9H00 et Gérard Hugeron, psychologue libéral, répond au premier appel de la journée de la ligne d'écoute contre le stress (02-23-622-888) mise en place notamment par la ville de Rennes et le CHU.

"C'est un homme qui appelle tous les jours pour être rassuré", explique en raccrochant le praticien au visage rieur et cheveux grisonnant. "Il sait qu'il va pouvoir parler à quelqu'un. Il m'a dit: vous êtes la seule personne que j'appelle."

Mise en place le 6 avril, la ligne a reçu une cinquantaine d'appels le premier jour et une trentaine par jour depuis cette date. "Cela permet aux professionnels de prendre le temps d'écouter", explique le Dr David Travers, psychiatre au CHU de Rennes. "C'est beaucoup d'écoute, on montre qu'on comprend bien la difficulté, on donne quelques pistes de gestion du stress. On essaie de dire aux gens d'éviter de passer leur journée à écouter les infos".

Solitude, précarité, idées suicidaires, addictions, stress, phobie de sortir, etc. "On a peu d'appels liés au virus en lui-même et beaucoup plus qui sont liés au confinement", remarque Jean Hugeron en épluchant les motivations des appels.

- Entre échec et isolement -

Une mère, employée de banque en télétravail, avec trois jeunes enfants à la maison et un mari "travaillant plus que d'habitude" a ainsi fait appel à la cellule de soutien. "C'est une maman qui voulait tout faire parfaitement et était en échec partout. Elle avait une sorte de burn-out, était dépassée: ça lui a fait du bien de parler", raconte Agnès Gaudry-Joseph, psychologue au centre hospitalier Guillaume-Régnier.

"Elle savait bien qu'elle ne pouvait pas tout gérer mais elle culpabilisait de prendre un arrêt", ajoute la psychologue, qui lui a conseillé de faire une pause professionnelle car "les circonstances ne permettent pas d'être performant partout".

Un père a appelé pour sa fille de 14 ans qui n'arrive plus à s'endormir le soir, une dame sujette aux crises d'angoisse (mais qui va bien) s'angoissait à l'idée d'angoisser plus tard, une mère faisait part de la cohabitation très conflictuelle avec sa fille de 19 ans, une autre femme ne dort plus depuis que son mari est parti avec leurs trois enfants...

Les patients bénéficiant déjà d'un suivi sont eux invités à contacter leur psychiatre. "Il ne s'agit pas de se substituer à du soin", explique le Dr Travers.

Parmi les principales préoccupations, l'isolement social revient souvent. "Ce sont des gens qui avaient déjà peu de contacts avant le confinement. Mais le peu qu'ils avaient était essentiel: un atelier de couture, un cours de yoga... Quand ils le perdent, c'est très compliqué", explique Mme Gaudry-Joseph.

"L'isolement est un facteur prédisposant aux problèmes de santé", remarque le Dr Travers, qui souligne toutefois que le confinement peut aussi être "un facteur protecteur" pour ceux dont la relation professionnelle est source de souffrances.

Une centaine de bénévoles, psychologues, psychiatres ou infirmiers, se sont inscrits pour participer à ce soutien psychologique. "En ce moment, on est quand même un peu désœuvré", confie Gérard Hugeron.

D'autres collectivités, comme la ville de Nancy ou le département de la Sarthe, ont également créé des lignes d'écoute du même type.