Covid-19 au Brésil : Jair Bolsonaro "se présente comme une sorte de justicier"

Au Brésil, un juge de la Cour suprême fédérale a demandé mardi une enquête pour déterminer si des actes "criminels" ont été commis lors d'une manifestation anticonfinement à laquelle le président Jair Bolsonaro a participé. Pour Laurent Vidal, historien spécialiste du Brésil, la présence de Jair Bolsonaro à cette manifestation s'inscrit dans sa stratégie politique, fondée sur la "défiance vis-à-vis des institutions démocratiques". 

L'historien spécialiste du Brésil Laurent Vidal s'est exprimé mercredi sur France 24 pour analyser la stratégie politique du président brésilien Jair Bolsonaro pendant la crise du Covid-19.
L'historien spécialiste du Brésil Laurent Vidal s'est exprimé mercredi sur France 24 pour analyser la stratégie politique du président brésilien Jair Bolsonaro pendant la crise du Covid-19. © Capture d'écran France 24
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Un juge de la Cour suprême fédérale du Brésil a demandé mardi une enquête pour déterminer si des actes "criminels" ont été commis lors d'une manifestation pro-militaire et anticonfinement à Brasilia, à laquelle le président Jair Bolsonaro a participé. 

Le président d'extrême droite avait rassemblé une foule compacte pour réclamer une intervention militaire et la fermeture du Congrès. Ancien capitaine de l'armée, Jair Bolsonaro critique constamment les dirigeants du Congrès, les gouverneurs et les maires qui défendent la politique de confinement et de distanciation sociale visant à enrayer la propagation du coronavirus qui a fait plus de 2 500 morts et plus de 40 000 contaminés dans le pays.

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Pour Laurent Vidal, historien spécialiste du Brésil et auteur de l'ouvrage "Les Hommes lents" (Éd. Flammarion), la participation de Jair Bolsonaro à cette manifestation illustre sa "défiance vis-à-vis des institutions démocratiques", le rapprochant ainsi du "bonapartisme". 

S'il a participé à cette manifestation, c'est parce que "Jair Bolsonaro est quelqu'un qui cherche un contact direct avec la population et les militaires", affirme Laurent Vidal. Il s'agit ainsi pour Jair Bolsonaro de manifester sa "défiance constante vis-à-vis des institutions démocratiques", et notamment des "pouvoirs législatif (le Congrès) et judiciaire". 

"Il se présente comme une sorte de justicier, seul contre tous. Ce qu'il s'est passé dimanche, c'est un petit peu cela : seul contre le virus", poursuit Laurent Vidal. 

"Quelque chose de l'ordre du bonapartisme"

Cette "défiance envers les institutions démocratiques, les corps intermédiaires et la presse" pousse même Laurent Vidal à penser qu'il y a chez Jair Bolsonaro "quelque chose de l'ordre du bonapartisme". 

Une vision du pouvoir qui inquiète le spécialiste. "Ce qui était en jeu dimanche dernier, c'était la fermeture du Congrès et du Tribunal fédéral suprême (le pouvoir judiciaire). Une fois que l'on aura fermé les pouvoirs judiciaire et législatif, l'exécutif pourra seul décider de l'avenir du Brésil", explique-t-il. 

Un soutien massif de la population 

Pour voir ses ambitions se concrétiser, Jair Bolsonaro peut s'appuyer sur ses soutiens. "Aujourd'hui, il bénéficie encore à peu près de 30 % du soutien de la part de la population. Il a véritablement une base assez conséquente qui le soutient", analyse Laurent Vidal, en précisant que "sur le plan institutionnel, il est relativement isolé". 

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"Il a contre lui, alors qu'ils l'appuyaient, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat qui étaient prêts à mettre en place sa politique notamment économique", détaille Laurent Vidal. "Une très grande partie des gouverneurs qui l'appuyaient sont aujourd'hui dans son opposition". 

Le système de santé "à la limite" de ses capacités 

Au Brésil, se joue donc aujourd'hui une guerre politique dans un contexte de crise sanitaire. Jair Bolsonaro a toutefois appelé lundi à une levée dès cette semaine des mesures de confinement, alors que le pic de la pandémie n'a pas encore été atteint, selon les autorités sanitaires. L'état de santé de la population pourrait ainsi remettre en cause les ambitions du président brésilien. 

"Pour l'instant, [le système de santé] fait face mais on voit bien que dans certains États comme dans celui de l'Amazonas, il arrive à la limite. Le gouverneur a déclaré un état de calamité publique", rapporte Laurent Vidal. 

Selon l'historien, cette crise sanitaire est à mettre en lien avec la politique de Jair Bolsonaro, qui n'a pas épargné les hôpitaux brésiliens. "L'accès au système de santé public fait partie des garanties offertes par la Constitution de 1988. Le programme néolibéral de Jair Bolsonaro voulait en terminer avec des dépenses qui sont pour lui inutiles", indique Laurent Vidal. 

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