Que prévoit le pacte Netanyahu-Gantz sur l'annexion de la Cisjordanie le 1er juillet ?

Le futur plan israélien d'annexion de colonies en Cisjordanie et dans la vallée du Jourdain pourrait être très limité par rapport aux recommandations du plan de Donald Trump pour le Proche-Orient. Les premières "lignes directrices" de la mission du futur gouvernement israélien Netanyahu-Gantz ne mentionnent pas explicitement "l'annexion".

La colonie de Havat Gilad, située en périphérie de Naplouse.
La colonie de Havat Gilad, située en périphérie de Naplouse. © AFP (Archive)
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Plus que quelques jours avant la prestation de serment, dimanche 17 mai, d'un gouvernement israélien d'union formé par les deux rivaux d'hier, Benjamin Netanyahu et Benny Gantz.

Si la hache de guerre a d'abord été enterrée pour lutter contre la pandémie de Covid-19, cette union d'urgence, scellée le 20 avril, ouvre la voie à l'annexion de la vallée du Jourdain et de colonies en Cisjordanie.

Car l'accord de partage de pouvoir entre Benjamin Netanyahu et Benny Gantz prévoit la présentation à la Knesset, à partir du 1er juillet, d'un plan de mise en œuvre du projet américain de résolution du conflit israélo-palestinien. 

Ce projet, présenté en janvier par le président américain Donald Trump, encourage l'annexion par Israël des plus de 130 colonies juives en Cisjordanie occupée et dans la vallée du Jourdain, langue de terre s'étirant entre le lac de Tibériade et la mer Morte, et qui deviendrait la nouvelle frontière orientale d'Israël avec la Jordanie.

Pourtant, dévoilée dans la nuit du mercredi 13 mai, les "lignes directrices" de la mission du futur gouvernement israélien ne mentionnent pas explicitement "l'annexion".

Elles font mention du besoin de "renforcer la sécurité nationale" et d'œuvrer à la "paix". Des références floues, qui laissent penser que le plan israélien présenté le 1er juillet prochain contiendra des mesures limitées, comme le seul rattachement à Israël de colonies près de Jérusalem et non pas l'ensemble des territoires cités dans les recommandations de Washington. C'est ce que pensent certains analystes israéliens, qui invitent à prendre du recul par rapport aux déclarations politiques. 

Pas l'unanimité en Israël

"Lorsque vous regardez l'accord de coalition et écoutez ce que l'administration Trump et Netanyahu ont dit à ce sujet, vous diriez que c'est presque un accord conclu", note ainsi Daniel Shapiro, ancien ambassadeur américain en Israël et chercheur invité à l'Institut d'études de sécurité nationale de l'université de Tel-Aviv. "Je ne pense pas que ce soit un accord conclu. Je pense que cela va prendre un certain temps", estime-t-il dans les colonnes de Haaretz.

En effet, Benny Gantz n'est pas connu pour être un franc partisan de l'annexion, ni ses électeurs du centre et de la gauche, à en croire les sondages israéliens. Durant sa campagne, le chef du parti Bleu Blanc s'était plutôt prononcé pour une application de la souveraineté israélienne dans la vallée du Jourdain, tout en souhaitant une coordination avec la communauté internationale.

Dans l'accord qui le lie à Benjamin Netanyahu, Benny Gantz a dû renoncer au droit de veto qu'il demandait sur le sujet. Néanmoins, il est tout à fait en mesure d'influencer la façon dont la question de l'annexion est considérée en coulisse.

D'après Daniel Shapiro, la voix de cet ancien chef d'état-major de l'armée israélienne, ne sera pas ignorée. Par exemple, note-t-il, le leader du parti Bleu Blanc pourrait suggérer des annexions moins étendues que celles prévues dans la plan de Donald Trump, "quelque chose de 'plus modeste' et en accord avec le consensus israélien – comme les grands blocs de colonies près de la Ligne verte (les frontières israéliennes internationalement reconnues d'avant 1967)", précise le chercheur.

D'autres facteurs pourraient retarder la présentation à la hâte d'un plan israélien. En premier lieu, la haute hiérarchie militaire israélienne semble opposée à l'annexion. Un groupe de 220 anciens généraux et officiers de haut rang de l'armée et des services de sécurité israéliens a publié une déclaration début avril, avertissant que des actes unilatéraux d'annexion pourraient "compromettre le traité de paix et la coopération en matière de sécurité avec la Jordanie, la coordination avec les forces de sécurité palestiniennes et le caractère très juif de l'État".

Même une annexion à petite échelle, ont-ils mis en garde, "risque de se transformer en une annexion à grande échelle", déclenchant "une réaction en chaîne sur laquelle Israël n'aura aucun contrôle". 

Un comité d'experts cartographie déjà les nouvelles frontières

D'ici au 1er juillet, un comité de cartographie israélo-américain est chargé de dessiner les frontières qui seront établies dans le cadre du projet d'annexion possible. 

Or son travail a été ralenti par la crise du coronavirus, pendant laquelle Israël a interdit l'entrée des ressortissants étrangers sur son territoire, indique Times of Israël. Tandis que de leur côté, les États-Unis ont évacué une partie de leurs personnels diplomatiques. 

Autre signal : d'après un haut responsable de la Maison Blanche interviewé sous anonymat par la chaîne de télévision israélienne Treizième chaîne, pour la Maison Blanche, le calendrier "n'est pas rigide" et la date du 1er juillet pour la présentation finale d'un plan d'annexion israélien n'est pas "une date sacrée". Ce qui laisse penser qu'un report de présentation du plan n'est pas impossible.

Course contre la montre pour Netanyahu

Benjamin Netanyahu fera tout pour faire passer au plus vite un vote sur le plan d'annexion, avant l'élection présidentielle américaine de novembre. Mais pour Daniel Shapiro, le travail du comité de cartographie va avoir besoin de temps pour négocier, car il va être soumis à de fortes pressions, notamment de la part des communautés de colons, qui demandent une définition élargie de leurs frontières. Conséquence : "Cela pourrait amener le territoire annexé bien au-delà des 30 % que l'administration Trump a indiqués qu'elle soutiendrait", soutient l'expert. 

Or comme l'ont rappelé les anciens officiers de haut rang de Tsahal dans leur lettre fin avril, des annexions à trop grande échelle pourraient déstabiliser le gouvernement israélien, en venant perturber le fragile équilibre des ententes entre l'État hébreu, l'Autorité palestinienne et les pays voisins. 

Une chose est sûre, décaler la présentation du plan israélien d'annexion après le 1er juillet irait en défaveur de Benjamin Netanyahu. Le futur Premier ministre israélien joue la montre et bénéficie du relatif silence mondial, causé par la pandémie de Covid-19 venue perturber le fonctionnement des organisations internationales. Quelques alertes ont néanmoins été émises par l'ONU qui a déclaré qu'un plan d'annexion serait "légalement, moralement, politiquement, tout à fait inacceptable", ou encore par l'Union européenne, estimant qu'une annexion serait "contraire au droit international".

Avec AFP

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